Hotline:  089 588 055 491

La Banque centrale européenne va donner le « la » de l’année 2023

Patrick Aussannaire
Responsable relations emprunteurs publics CAPVERIANT
31 janvier 2023

Une hausse des taux directeurs de 50 points de base (bp) de la Banque centrale européenne (BCE) à l’issue de sa réunion qui se tient jeudi 2 février semble déjà acquise. Mais son discours portant le rythme de hausses des taux au cours de l’année sera particulièrement suivi et sera déterminant pour l’évolution des taux d’intérêt à moyen et long terme, qui se sont stabilisés depuis plusieurs semaines à environ 50 bp au-dessus de leurs plus hauts. Si la confirmation d’une économie européenne et mondiale un peu plus résistante que prévu, et l’amélioration des indices de confiance plaident en faveur de nouvelles hausses de taux, une inflation globale en baisse pourrait conduire la BCE à faire machine arrière compte tenu de son mandat d’atteindre la stabilité des prix par un retour de l’inflation autour de sa cible de 2%.


Les dernières projections de décembre de la BCE faisaient état d’une inflation en zone euro à 3,4% en 2024 et 2,3% en 2025. L’inflation ne devait ainsi revenir à un niveau proche de 2% qu’au second semestre de l’année 2025. Ces estimations poussent certes l’autorité à poursuivre ses hausses de taux, mais sont conditionnées à des hypothèses d’évolution de taux, du prix de l’énergie et du taux de change.


Et l’évolution du taux d’inflation en Espagne, reparti à la hausse à 5,8% en janvier, malgré la baisse des prix du gaz et de l’électricité, plus que compensée par la hausse de l’inflation sous-jacente à un nouveau record de 7,5%, ne devrait pas inciter la BCE à freiner le rythme de son durcissement monétaire.


La probabilité croissante qu’une récession soit évitée cette année donne aux entreprises un plus grand pouvoir de fixation des prix, comme le montrent les prévisions de prix de vente élevées de l’indice PMI de janvier. Les mesures de relance budgétaire, qui ont atténué les craintes de récession, constituent cependant une préoccupation supplémentaire pour la BCE car elles pourraient transformer un problème d’inflation lié à l’offre en une inflation liée à la demande. Ce sont deux facteurs qui pourraient prolonger les pressions inflationnistes, bien qu’à un niveau plus faible qu’actuellement, au sein de la zone euro.


Si l’orientation d’une hausse de 50 bp était réitérée lors de la réunion de mars, cette dernière comportera une nouvelle série de prévisions qui devraient fortement influencer les décisions de la BCE pour le reste de l’année. Or, les marchés anticipent 80 bp de réduction des taux directeurs entre leur pic prévu mi-2023 à un niveau de 3,25% (soit au moins 3 hausses de taux supplémentaires), et la fin d’année 2024. L’évolution du discours de la BCE et de ses intentions en matière de taux aura un impact sur les taux de maturités courtes et moyennes, jusqu’à 10 ans. Or, le rendement de l’OAT française à 10 ans a reculé de 50 bp environ à un niveau de 2,75% depuis son point haut atteint à la fin de l’année dernière.

Source: Refinitiv, ING


Les dernières semaines ont confirmé que la communication de la BCE (avec des indications réunion par réunion sur l’inflation réelle, les projections d’inflation, les salaires, les conditions de financement,…) est sous-optimale. Si les responsables de la BCE ne sont pas satisfaits de la façon dont les marchés perçoivent leur communication, comme cela semble être le cas actuellement selon les discours récents de plusieurs membres influents, ils ajusteront leur message avec une correction des anticipations.


Par ailleurs, même si les aspects les plus importants pour le marché sont déjà connus, la BCE a promis de fournir des «paramètres détaillés» concernant la réduction de son portefeuille de titres. Dans le secteur public en particulier, il sera intéressant de voir comment la BCE maintiendra l’alignement avec la distribution de la clé de répartition du capital entre les pays de la zone euro. Compte tenu de l’accent mis par la BCE dans ses récents discours sur le verdissement de ses portefeuilles, un rééquilibrage en faveur de la dette supranationale, avec une part plus importante d’obligations vertes, est probable.


Enfin, alors que la BCE passera du statut d’acheteur net en 2022 à celui de vendeur net en 2023, les taux à long terme seront également soumis à une haussière du fait de la forte hausse des émissions nettes d’obligations des Etats de la zone euro, confrontés à des déficits publics importants du fait des mesures de relance budgétaire à plus de 500 milliards d’euros, après 200 milliards l’année dernière.