Patrick Aussannaire
Responsable Relations Emprunteurs publics CAPVERIANT
06 février 2023
La réunion des membres du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) qui s’est tenue jeudi 2 février s’est soldée par une nouvelle hausse de l’ensemble de ses taux directeurs de 50 points de base (bp) pour porter le taux de refinancement à 3,00% et le taux de dépôts à 2,50%. Des niveaux qui n’avaient pas été atteint depuis 2008. L’autorité s’est également engagée à les augmenter à nouveau de 50 bp en mars et laissé la porte ouverte à d’autres hausses de ses taux après mars. Les marchés envisagent un pic de taux à 3,50% en septembre avant un retour autour de 2,5% fin 2024.

Source: Trading Economics, BCE
Les mesures de relance budgétaire prises par les Etats de la zone euro pour lutter contre les effets de l’inflation ont certes apaisé les craintes de récession, mais sont une préoccupation supplémentaire pour la BCE, car elles pourraient transformer un problème d’inflation lié à l’offre en une inflation structurelle liée à la demande qui pourraient installer et étendre les pressions inflationnistes dans la zone euro. Par conséquent, la BCE pourrait ainsi poursuive ses hausses jusqu’à la fin du printemps, mais maintenir aussi les taux d’intérêt à un niveau élevé plus longtemps que ne le prévoient actuellement les marchés.
Ce message agressif aurait été très clair si la BCE avait limité sa communication au communiqué de presse, mais l’intervention de sa présidente Christine Lagarde lors de la conférence de presse a brouillé les cartes et créé la confusion sur la fonction de réaction de la BCE et la voie suivie au-delà de la réunion de mars parmi les investisseurs. En déclarant qu’elle « évaluera ensuite la trajectoire à suivre », la BCE a signalé que son engagement ferme ne va pas au-delà de la prochaine réunion, alors que le marché prévoit des baisses de taux fin 2023, avec un assouplissement des conditions financières contraire à l’objectif de la BCE de réduire l’inflation. Un recadrage de la part des faucons ces prochaines semaines n’est donc pas à exclure pour durcir un peu les taux réels (taux nominaux – inflation) en territoire positif.

Source : Refinitiv, ING
Reuters a rapporté après la décision que les membres de la BCE envisagent « au moins deux hausses supplémentaires », mais le Conseil est un groupe diversifié où « des divergences subsistent quant à leur rythme et à leur destination finale ». La BCE pourrait ainsi avoir du mal à découpler les taux longs euro d’un rallye plus large mené par le dollar et la livre sterling, où les banques centrales sont plus proches de la fin de cycle. Une hausse des taux euro reste probable, les taux directeurs de la BCE étant toujours inférieurs de quelque 200 bp à ceux de la Fed et de 150 bp à ceux de la Banque d’Angleterre.
Les actifs à risque ont bénéficié de cet assouplissement. L’écart entre le taux BTP italien et le Bund allemand 10 ans s’est resserré à environ 180 pb. Les détails sur la réduction de son portefeuille d’actifs de la BCE n’ont pas surpris, une approche proportionnelle des réinvestissements étant privilégiée. Mais il y a eu des rumeurs sur le fait que la BCE rééquilibrerait le PSPP en faveur des titres supranationaux dans le cadre de l’«écologisation» du portefeuille, et envisagerait d’augmenter les montants plus tard dans l’année. Les deux options auraient été préjudiciables aux titres d’État et aux spreads souverains.