Patrick Aussannaire
Responsable Relations Emprunteurs publics CAPVERIANT
16 février 2023
La dernière réunion du Conseil de la Banque centrale européenne (BCE), et notamment la conférence de presse de sa présidente Christine Lagarde, avait créé le doute au sein de investisseurs malgré une nouvelle des taux directeurs de 50 points de base (bp) et l’engagement d’un geste d’ampleur similaire à la prochaine réunion de mars. En effet, le flou entretenu par Christine Lagarde quant aux arbitrages qui seront pris par la BCE après mars avait fait reculé les taux longs et conduit à des anticipations par les marchés monétaires de baisse des taux directeurs au cours du deuxième semestre de l’année.
Devant les législateurs européens, Christine Lagarde a certes réitéré son appel à une nouvelle hausse de 50 bp en mars, l’inflation sous-jacente étant encore trop élevée et les pressions sur les prix restant fortes, mais a une fois encore laissé aux autres membres de la BCE le soin de préciser les orientations au-delà de la prochaine réunion. Les faucons ont donné de la voix depuis un mois et ont réussi à faire plier les marchés. Les minutes de la dernière réunion montrent qu’« un grand nombre » d’entre eux ont poussé pour une hausse de 75 bp avant de consentir à la limiter à 50 bp en échange d’un engagement ferme de Christine Lagarde en faveur d’un nouveau des taux directeurs de même ampleur en mars.
Le taux final anticipé par les marchés est passé à 3,56%, contre 3,44% avant la dernière réunion, et les attentes du marché en matière d’assouplissement ultérieur de la politique sont devenues moins prononcées, passant à moins de 90 bp par rapport au pic des taux jusqu’à la fin de l’année 2024. Les conditions financières, mesurées par les taux réels (taux nominaux diminués de l’inflation), se situent actuellement dans la partie supérieure de leur fourchette récente depuis le mois de décembre dernier.

Source: Chatham Financial
Les économistes envisagent un scénario possible dans lequel, après mars, la BCE continuerait à augmenter son taux d’intérêt de 25 bp par réunion jusqu’en juin, ce qui porterait le taux de facilité de dépôt à un niveau de 3,5% à la fin du premier semestre. Le marché est même allé au-delà, mais bien sûr, l’évolution de la situation aux États-Unis, où l’économie continue de résister mieux qu’attendu et où les marchés prévoient le maintien de taux directeurs à un niveau élevé pendant une période prolongée, est apporter un soutien précieux aux faucons de la BCE pour infléchir les anticipations de taux euro.

La partie longue de la courbe des taux européens a suivi la partie courte avec un rebond du taux français à 10 ans d’environ 50 bp depuis un mois. Les spreads souverains européens ont bénéficié du regain d’appétit pour le risque des investisseurs lié aux attentes d’assouplissement des banques centrales et aux meilleures perspectives de croissance. Mais ces conditions peuvent vite évoluer, et il existe de nombreux catalyseurs politiques pour que l’appétit pour le risque diminue. Le gouvernement italien s’oppose à la Commission européenne au sujet de la suspension du pacte de stabilité et de croissance et des plans de relance nationaux convenus au préalable, et des élections sont prévues cette année en Grèce et en Espagne. Tout cela devrait renforcer la pression sur l’offre cette année, alors que les investisseurs devront également absorber des émissions record d’obligations d’Etat en zone euro