Hotline:  089 588 055 491

Le risque de contagion lié à la faillite de la Silicon Valley Bank (SBV) semble limité

Patrick Aussannaire
Responsable Relations Emprunteurs publics CAPVERIANT
15 mars 2023

Le risque de contagion lié à la faillite de la Silicon Valley Bank (SBV) semble limité

La faillite de la banque Silicon Valley Bank (SBV) a secoué les investisseurs la semaine dernière et les a un temps éloigné des débats sur le resserrement nécessaire pour freiner l’inflation. Lorsqu’une banque fait défaut, l’effet de contagion aux autres banques se pose et nécessite une intervention immédiate des banques centrales pour circonscrire le risque très rapidement. C’est ce qu’a fait la Réserve Fédérale américaine (Fed) en prenant le contrôle de SBV dès l’annonce de ses difficultés.

 

Les craintes d’une nouvelle crise financière de 2007/2008 sont-elles vraiment justifiées ?

A l’époque, les banques avaient accepté des crédits immobiliers trop risqués, et la titrisation avait permis de les distribuer dans le monde entier, avec des effets de levier considérables. Lorsque le risque associé aux crédits subprimes a surgi, les investisseurs ayant acheté ces produits de titrisation n’ont pas pu distinguer les niveaux de risque différents de ces crédits et le prix des produits titrisés s’est effondré à l’échelle internationale. La contagion a été immédiate, provoquant des difficultés dans tous les systèmes bancaires mondiaux car les portefeuilles des banques ne pouvaient plus être correctement valorisés.

Pour qu’il y ait contagion d’un choc financier, il faut qu’il y ait un support, un mécanisme qui diffuse le choc et provoque une crise de confiance généralisée dans le système financier. Avec SVB, il ne semble pas avoir un tel outil de contagion.Si en 2007/2008, la banque Lehman était une banque de marché, avec des liens contreparties partout dans le monde, ce qui a propagé l’onde de choc après les difficultés rencontrées déjà un peu plus tôt par la banque Bear Stearns, rachetée par JPMorgan. Or, SVB n’était pas une banque de marché avec les multiples connexions qui y sont associées et il n’y a pas eu d’alerte dans les salles de marché du monde lorsqu’elle a fait faillite.

SVB a investi le cash de ses clients en actifs du Trésor américain alors que les taux d’intérêt étaient très bas, et a fait face à des retraits de dépôts massifs de la part de ses entreprises clientes en situation difficile dans un contexte de forte hausse des taux qui s’est traduite par une baisse du prix de ses actifs et de la valeur de son portefeuille, la banque n’ayant donc plus les liquidités suffisantes pour faire face aux retraits.

La Fed et le FDIC (garantie des dépôts) ont réagi de concert dès lundi matin en garantissant l’ensemble des dépôts de SBV pour éviter tout risque de panique et de contagion. Il faudra cependant surveiller attentivement les banques similaires à SBV comme First National, qui font déjà fait à la défiance des investisseurs.

 

L’incertitude prédomine sur la décision de la Fed la semaine prochaine
Lors de la séance de mardi 14 mars, c’est un sentiment de soulagement qui a gagné les marchés financiers : les rendements obligataires ont effacé une bonne partie de leur récente chute, les indices de crédit une bonne partie de leur élargissement et les indices boursiers une bonne partie de leur récente vente. Les marchés les plus proches de l’épicentre de la crise restent loin des niveaux de la semaine dernière : l’indice KBW des banques régionales américaines est toujours fortement déprimé, ce qui reflète en partie le défi plus durable que la crise a posé à leur rentabilité et à leur structure de financement. Les rendements américains restent inférieurs à leur niveau d’il y a une semaine, notamment lorsque la président de la Fed Jerome Powell a fermement mis sur la table une hausse de 50 points de base (bp) lors de la réunion de la semaine prochaine.

Or, son issue reste très incertaine. La Fed a deux types d’objectifs : le premier est cyclique et a deux dimensions, la stabilité des prix et le plein emploi, le second est la stabilité financière. Or, ces deux objectifs conduisent à des décisions de politique monétaire opposées. Jusqu’à présent, la Fed n’était concentrée que sur la lutte contre l’inflation. Or, si l’inflation sous-jacente américaine est ressortie en baisse, elle a été plus forte que prévue de 5,5%, ce qui pousse la Fed à poursuivre sa hausse de taux. Dans le même temps, la prise en compte du risque de contagion de la faillite de SVB réduit le besoin de nouvelles hausses, et peut même nécessiter que l’autorité joue son rôle de prêteur en dernier ressort avec des réductions de taux pour amortir le choc sur les marchés. Une telle décision enverrait cependant le signal que les risques sont réels et pourraient provoquer une panique des marchés, que ne souhaite pas la Fed.

La Fed fait donc face à un arbitrage délicat qui sera déterminant dans l’évolution des taux au cours des prochains mois.