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Les marchés réajustent à la hausse leurs anticipations de hausse des taux

Patrick Aussannaire
Responsable Relations Emprunteurs publics CAPVERIANT
08 mars 2023

Le taux d’inflation en zone euro s’est replié en février à 8,5% (après un pic à 10.6% en octobre dernier), mais l’inflation sous-jacente hors prix alimentaires et énergétiques continue d’augmenter à 5,6%, contre 5% en octobre dernier. Si en 2022, l’inflation était conditionnée par le choc sur le prix de l’énergie, cette année, elle subit la diffusion de ce choc énergétique au reste de l’économie. La contribution du prix de l’énergie au taux d’inflation s’est en effet effondrée de 3 points depuis octobre alors que celle de l’alimentaire continue de progresser fortement et l’inflation sous-jacente a désormais la plus forte contribution au taux d’inflation à 3,8%.

Dans ce contexte, le directeur de la banque centrale d’Autriche Robert Holzmann a prôné une hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) de 50 points de base (pb) à chacune des quatre prochaines réunions. Un tel mouvement porterait le taux de dépôts à 4,5%. Même si Robert Holzmann est considéré comme un ultra faucon partisan d’un durcissement monétaire, ce niveau est proche des 4,25% que les marchés anticipent désormais pour le taux Euribor 6 mois en septembre prochain, et les investisseurs se comportent davantage depuis son intervention comme si la BCE fera tout ce qui est nécessaire pour maîtriser le niveau d’inflation.

Une des conséquences de cette évolution est la poursuite de l’aplatissement de la courbe des taux, qui témoigne de l’agressivité de la banque centrale, mais aussi de l’impact négatif à moyen terme sur la croissance et l’inflation. D’autant qu’il existe une forte influence de la situation aux Etats-Unis sur l’Europe. Depuis plusieurs mois déjà, les taux courts américains Libor sont supérieurs d’environ 150 bp au taux de référence à 10 ans. Ce mouvement violent d’inversion de la courbe des taux commence à se voir aussi en zone euro où le rendement du Bund allemand à 10 ans, autour de 2,70%, est déjà inférieur de 130 bp au taux de dépôt final attendu dans ce cycle.

La deuxième illustration est le renversement des swaps d’inflation depuis le début de semaine. La baisse des prévisions d’inflation à long terme dans la dernière enquête de la BCE auprès des consommateurs, de 3% en décembre 2022 à 2,5% en janvier à horizon 3 ans, tend à montrer que les consommateurs font confiance à la banque centrale pour maîtriser l’inflation à moyen terme et la faire revenir vers son objectif de 2%. La baisse des prévisions d’inflation pour les trois prochaines années est la plus prononcée en Allemagne, où les consommateurs s’attendent à ce qu’elle revienne à 2% mais au prix d’un fort ralentissement de l’activité économique dans le pays.

Cela explique la hausse des taux tant sur la partie courte que longue de la courbe, mais risque d’accentuer l’inversion de la courbe. La réunion de la BCE de la semaine prochaine sera déterminante : sa dernière communication avait dérouté les marchés, même si le camp des faucons reste majoritaire au sein du Conseil. Le mouvement récent d’appétit pour le risque s’est fait au détriment des obligations d’Etat (et a entrainé une hausse des rendements) malgré des banques centrales plus agressives, qui devrait inévitablement avoir un impact sur les valorisations. Mais les investisseurs estiment sans doute que laisser filer maintenant les prévisions d’inflation requerrait un durcissement monétaire encore plus important par la suite.